Quand s'ennuyer devient salutaire

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Archive du 27 Juillet 2015

Pourquoi s’ennuyer ? J’ai en tête cette vieille rengaine qui me susurre que c’est en s’ennuyant que nous grandissons. Drôle d’injonction qui n’est pourtant pas si loin du compte.


Parce que lorsque nous nous ennuyons, c’est qu’à priori, nous ne faisons plus rien, que ne nous ne sommes pas pris par une activité en particulier, que notre esprit devient disponible et libre. Vertu si rare de nos jours, elle en devient d’autant plus précieuse. Alors pourquoi s’en priver ? Peut être parce que nous faisons tout pour éviter de penser.


Mais penser à quoi ? Est-ce si horrible de faire face à ce que nous pourrions penser, à ce que nous pourrions ressentir ? Probablement, si nous sommes seuls.


Mais là aussi, le risque est de se laisser porter par des relations qui semblent authentiques et aidantes alors qu’elles ne sont que profusion et dilution d’énergie. Vouloir avoir trop ne nous permet pas d’avoir ce que nous sommes.


L’ennuie semble nous obliger à nous recentrer. Il nous force à porter toute notre attention sur notre être, sur ce qu’il reste quand la distraction se tait. Même si cela peut être autant douloureux qu’exaltant, c’est dans tous les cas puissant et intense. Et voilà que nous nous y retrouvons car les sensations intenses, ça nous connaît. C’est bien ce que nous propose le monde actuel. Entre espoir, frustration, contentement, bourrage, vide et désespérance, nous sommes habitués à subir tout ce qui nous traverse sans avoir de filtre régulateur de bonne qualité.


Alors nous nous laissons sombrer dans des moments d’ennui où nous retrouvons ses sentiments familiers de tourments et d’effondrements. Comme si le fait que nous nous arrêtions engendrerait l’immobilité de tout le reste. Comme si la fixation interne se traduisait par une rigidité alentour effrayante.


Et là où la lumière revient, là où nous retrouvons lucidité, clarté et justesse, c’est lorsque le mouvement revient. Mouvement externe mais surtout mouvement interne, chacun pouvant influencer l’autre. Quelque chose qui au dedans de nous reprend vie et insuffle une énergie, nouvelle ou recyclée mais animée.


Cette énergie passe parfois par une décharge de ce qui est gardée au plus profond et qui n’est pas habituellement autorisé. Le corps comme plateforme d’expression peut s’en faire le mandataire et ainsi se libérer d’une charge, d’une tension, d’une rigidité rivée à l’activité continuelle qui fait barrage à la vie.


Ressentir est donc la clef, comme attendu. Mais ressentir sans intégrer et aboutir à une situation achevée, satisfaite dans ses besoins et comprise dans sa finalité. Car c’est lorsque nous parvenons « à nos fins » que nous passons enfin à autre chose, que nous pouvons nous servir de notre bagage, de notre caisse à outil pour se voir préparé et aguerri. En se donnant les moyens d’aller au bout des choses, de ressentir et de nous laisser guider là où les sensations veulent nous emmener, nous pourrons non seulement découvrir notre vérité, nos besoins, nos failles mais surtout nos forces tout en se permettant de dépasser ces éléments non traités, restés à l’état de larve. Comme le papillon, nous en ressortirons grandis, évolué, plus beau dans l’intégrité de notre personne et dans l’authenticité de notre être à soi et au monde.