Pour une thérapie audacieuse : au-delà des symptômes

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Quand un patient pousse la porte d’un cabinet, il vient souvent avec une demande claire : faire disparaître un symptôme. Crises d’angoisse, troubles du sommeil, compulsions alimentaires, ruminations, fatigue chronique, relations conflictuelles…

Ce sont les points d’alerte, les signes qui font suffisamment de bruit pour que le patient se dise : « Je ne peux plus continuer comme ça. »

Mais ce symptôme, si bruyant soit-il, n’est presque jamais la totalité du problème. Il est l’expression d’un déséquilibre plus profond. Il est la partie émergée de l’iceberg.

Et c’est là que commence le vrai travail du thérapeute : ne pas se contenter d’éteindre l’alarme, mais chercher d’où vient l’incendie.

Réduire les symptômes : un objectif insuffisant

Travailler uniquement sur la réduction du symptôme peut parfois donner une impression d’efficacité… à court terme.

Les recherches sur les facteurs d’efficacité des thérapeutes sont claires : lorsque les séances se concentrent uniquement sur les problématiques les plus visibles, les patients repartent souvent avec une impression de soulagement… mais ce soulagement reste souvent de courte durée. À l’inverse, les patients accompagnés par des thérapeutes qui osent les confronter avec bienveillance, les challenger — parfois même les “titiller un peu” — progressent davantage sur le long terme.

Dans la formation Psychothérapie : comprendre, ressentir, agir, je parle justement de la Zone de Dérangement Utile (la fameuse ZDU pour les initié·e·s) : cet espace délicat mais précieux où l’on ose bousculer… sans jamais brusquer. Où l’on entoure ce qui pique d’un cadre chaleureux, sécurisant, éthique.

Et c’est là toute la subtilité : ne pas tomber dans une posture complaisante qui viserait uniquement à rassurer, au détriment de l’évolution en profondeur. Car oui, apaiser à tout prix peut, paradoxalement, freiner le travail thérapeutique. Ce n’est pas parce qu’un patient se sent bien juste après une séance qu’il avance vraiment. Parfois, c’est justement quand ça remue un peu, que le vrai changement se met en route.

Pour aller plus loin et retrouver les études dont je parle, je te conseille cet excellent ouvrage, malheureusement pas encore traduit en français : "How and Why Are Some Therapists Better Than Others? Understanding Therapist Effects" de Louis G. Castonguay et Clara E. Hill

Si la thérapie s’arrête à l'effacement du ou des symptôme.s, on risque de voir apparaître un autre symptôme, ailleurs. C’est ce qu’on appelle un glissement symptomatique.

Le premier caillou a été évacué ? Très bien. Mais voilà qu’un nouveau caillou se glisse dans la chaussure. Il gêne un peu au début, puis beaucoup. Et le cycle reprend.

C’est ce qui arrive lorsque le symptôme est traité hors contexte, sans exploration du terrain intérieur qui l’a fait naître, sans transformation des schémas psychiques ou relationnels sous-jacents.

Aller voir plus loin : les vrais enjeux thérapeutiques

Une psychothérapie profonde permet de travailler sur :

  • les modalités d’attachement (évitement, dépendance, ambivalence, etc.),

  • les schémas relationnels répétitifs,

  • les émotions non régulées,

  • les croyances limitantes,

  • le rapport au corps, au temps, à l’argent, à la sexualité, à la spiritualité, etc.

Autant de portes d’entrée dans le travail thérapeutique… même quand elles ne sont pas formulées comme « motifs de consultation ».

Une vraie thérapie, c’est parfois s’autoriser à explorer des territoires qui n’étaient pas prévus au départ, mais qui sont profondément reliés à ce qui fait souffrance.

On confond parfois la psychothérapie avec la psychologie, entendue comme la science des troubles psychiques et psychiatriques. Pourtant, réduire la psychothérapie à une fonction de “traitement des symptômes” l’appauvrit considérablement.

Même avec toute la bienveillance du monde, même animée par les meilleures intentions, une psychothérapie qui se focalise uniquement sur le soin risque, sans le vouloir, de réduire le patient à un objet de soin, au lieu de l’accompagner comme un être en cheminement, en quête d’épanouissement, d’enracinement, de sens… un être profondément humain, et profondément relié — à lui-même, aux autres, à ses valeurs, à sa manière d’habiter le monde.

La psychothérapie n’a pas pour vocation de révéler le sens de la vie. Ce serait une prétention bien trop grande face à une question aussi vaste et mystérieuse.
Mais je crois profondément qu’elle peut aider chacun à trouver un sens à sa vie. À tisser une existence singulière, faite de coutures irrégulières, de reprises fragiles, de rapiècements… mais aussi de fils d’or, de motifs uniques, et de cette lumière qui naît quand on apprend à vivre pleinement avec ce qui est là.

Le symptôme, messager ou masque ?

Et si le symptôme, au lieu d’être un ennemi, était un messager ? Et s’il nous racontait quelque chose du patient, de sa manière de survivre, de s’adapter, de faire face ?

Derrière une compulsion, il y a peut-être une angoisse insoutenable, elle-même masquée par un phénomène de dissociation. Derrière une phobie, il y a peut-être un traumatisme. Derrière une difficulté relationnelle, il y a peut-être un attachement insécure. Derrière un insatisfaction au travail, il y a peut-être un manque d'affirmation de soi, une logique sacrificielle ou bien encore un manque de cohérence et/ou de priorisation dans le système de valeur.

Bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs, et les liens évoqués ne constituent que des hypothèses cliniques parmi d’autres — en aucun cas des associations fixes, universelles ou valables en toutes circonstances.

Travailler le symptôme, oui. Mais l’écouter aussi, le comprendre, le traduire. Car ce qu’il nous dit est souvent précieux.

C’est en prenant le temps d’explorer le contexte d’apparition du symptôme — au-delà de sa fréquence ou de ses modalités d’expression, souvent privilégiées dans l’anamnèse — qu’on peut commencer à en comprendre la fonction.

Pourquoi, à un moment donné, le système psychique de notre patient a-t-il jugé utile ou nécessaire de produire ce symptôme ? Que cherchait il à signaler, à éviter, à réguler ? Quelle chaîne d’événements ou de ressentis a conduit à cette configuration, parfois complexe, que nous observons aujourd’hui ?

Une séance sur Harry Potter ?

Un jour, j’ai passé une séance entière à parler de nos expériences respectives avec une patiente dans les studios Harry Potter. Sur le moment, j’ai douté : « Est-ce que cette séance rentre dans le cadre de la thérapie ? »

À la fin, j’ai proposé à cette patiente de ne pas régler la séance. Elle a refusé. Elle a tenu à la payer. Et je pense aujourd’hui que cette séance lui a offert bien plus qu’il n’y paraît : un moment de partage sincère, de lien, de reconnaissance mutuelle. A postériori, cette expérience fait tout à fait sens avec les besoins thérapeutiques et les axes de travail de cette patiente.
Et cerise sur le gâteau, nous avons pu abordé plus tard une phobie en lien avec un personnage de cet univers fantastique, que nous avons donc pu travailler ensemble, dans le lien bien évidemment !

Et c’est ça aussi, faire de la thérapie.

En résumé

Ce que permet une psychothérapie basée sur le lien et non sur le symptôme :

  • Explorer les zones d’ombre que le symptôme masque.

  • Accompagner le patient vers une plus grande conscience de lui-même.

  • Offrir un espace de lien et de sécurité affective.

  • Permettre une expérience émotionnelle nouvelle, souvent réparatrice.

  • Aider le patient à reprendre la main sur ses choix, ses désirs, son chemin.

C’est aussi permettre à la thérapie de s’ouvrir à des champs d’exploration qui seraient restés inaccessibles si le thérapeute n’avait pas eu l’audace ou la curiosité d’ouvrir certaines portes.
Et c’est grâce à ces ouvertures que le patient peut (re)prendre sa place de sujet agissant, s’incarner pleinement, mobiliser ses ressources, déployer ses aspirations et tracer un chemin qui lui ressemble — en paix avec ses vulnérabilités, ses limites et ses zones de croissance… Parce que ce travail intérieur, rappelons-le, dure toute une vie.

Vers une psychothérapie qui agit en profondeur

Non, une bonne thérapie ne se résume pas à cocher des cases ou à faire disparaître un symptôme. Une bonne thérapie transforme. Elle ouvre, elle éclaire, elle donne du sens. Elle permet de faire évoluer les rapports au monde, aux autres, à soi-même.

Et c’est en cela qu’elle devient profondément thérapeutique.

Ouvrir de nouveaux espaces d’exploration, au-delà des sentiers battus du symptôme, ne signifie en aucun cas faire du prosélytisme, ni imposer sa vision du monde au patient, ni chercher à lui faire croire qu’il existerait une bonne manière de vivre. Il s’agit plutôt de créer un espace de partage ouvert, respectueux, où chacun peut venir déposer ses réflexions, ses doutes, ses valeurs.

Bien sûr, il est souvent plus confortable que le thérapeute ait déjà cheminé sur ces sujets pour mieux accompagner le questionnement du patient. Mais il existe aussi des situations où reconnaître honnêtement que l’on n’a pas toutes les réponses, que l’on est soi-même en train de cheminer, peut être d’une grande justesse relationnelle et thérapeutique.

Je me souviens notamment d’un échange avec une patiente qui se questionnait sur les fondements de son couple, la fidélité et le sens même de l’engagement. Ce sont des thématiques si profondément personnelles qu’aucune vérité unique ne peut s’y appliquer.
J’ai alors choisi de partager avec elle certaines de mes propres réflexions, nourries par mes lectures — psy et non psy — en lui expliquant en toute transparence d’où me venait ce regard.
Ce moment de sincérité a considérablement renforcé notre alliance. Elle a compris qu’elle pouvait penser tout haut, explorer, douter, en toute sécurité, sans jamais risquer de se faire guider vers une réponse qui ne serait pas la sienne. Et c’est précisément cela, à mes yeux, la qualité d’un lien thérapeutique vivant et profondément respectueux.

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Et si tu te reconnais là-dedans — ou si tu sens que tu aimerais développer cette dimension dans ta pratique — je t’invite à découvrir ma formation "Psychothérapie : comprendre, ressentir, agir".

Une formation complète pour t’aider à sortir de la logique symptomatique et t’ancrer dans une pratique incarnée, consciente, humaine… et puissante.

À très bientôt, ✨